QUI A LE DROIT DE FAIRE DE LA CRYOLIPOLYSE ?

Cryolipolyse : traitement par le froid

Avec la popularité croissante des techniques non invasives de remodelage corporel, la cryolipolyse s’est imposée comme une solution prisée pour traiter les amas graisseux localisés. Fondée sur l’apoptose des adipocytes induite par le froid, cette technologie médicale nécessite une maîtrise technique précise, une évaluation rigoureuse des indications et une connaissance approfondie des réponses tissulaires. Pourtant, dans certains contextes, des dérives sont observées : la cryolipolyse est parfois proposée en dehors de tout cadre médical, dans des instituts non médicalisés, voire à domicile, sans supervision médicale. Cela soulève une question essentielle, tant du point de vue déontologique que réglementaire : qui est réellement habilité à pratiquer la cryolipolyse ?

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Cryolipolyse à Genève : technique médicale, à visée esthétique

Bien que non chirurgicale et ne nécessitant ni anesthésie ni incision, la cryolipolyse n’est pas pour autant une procédure anodine. Elle repose sur un stress thermique contrôlé, appliqué à des tissus vivants, avec des conséquences physiologiques documentées : apoptose cellulaire, réponse inflammatoire locale, remaniement progressif du tissu sous-cutané. Elle peut également entraîner des effets secondaires, parfois différés : nodules, œdèmes, troubles sensoriels, hyperplasie paradoxale.

Pour cette raison, la cryolipolyse est classée dans de nombreux pays comme un acte médical à visée esthétique, à l’instar des injections d’acide hyaluronique ou de toxine botulique. Elle nécessite un diagnostic préalable, une indication adaptée, un protocole personnalisé et un suivi post-acte. En France, en Suisse comme dans d’autres pays européens, cette dimension médicale est reconnue, même si la réglementation varie selon les juridictions.

Cryolipolyse : acte à réaliser par un médecin

Le médecin est le seul professionnel habilité à poser une indication clinique, c’est-à-dire à déterminer si une technique est appropriée à un patient donné, en fonction de sa morphologie, de son état de santé, de ses antécédents et de ses attentes. Il ne s’agit pas seulement de juger l’épaisseur d’un pli graisseux, mais d’évaluer la nature du tissu adipeux (sous-cutané ou viscéral), la qualité de la peau, la présence éventuelle de contre-indications, le retentissement psychologique de la demande, et surtout, les alternatives thérapeutiques possibles.

Cette capacité d’analyse différencie fondamentalement l’approche médicale d’une démarche commerciale. Seul le médecin peut ajuster la puissance, la durée, la zone traitée, ou décider de ne pas traiter lorsqu’une demande est inappropriée. Il peut également assurer la gestion des suites, qu’elles soient simples ou complexes, et orienter vers un traitement complémentaire ou différent si nécessaire.

La pratique dans un cabinet médical

La cryolipolyse doit être réalisée dans un cabinet médical, par un médecin diplômé. Le matériel utilisé est un dispositif médical certifié CE ou FDA, régulièrement entretenu, disposant d’un système de régulation thermique sécurisé, d’une aspiration contrôlée, et d’un applicateur adapté à la zone traitée.

Le médecin établit un protocole personnalisé, fait signer un consentement éclairé, documente la zone traitée (photographies médicales), informe sur les suites attendues et assure le suivi après l’acte. Ce cadre garantit non seulement l’efficacité du soin, mais aussi la sécurité du patient et la traçabilité de l’intervention.

La prolifération des offres non médicales : une source d’inquiétude

Dans de nombreuses villes, la cryolipolyse est aujourd’hui proposée en dehors du champ médical : centres de beauté, instituts esthétiques, voire salons de coiffure ou réseaux de franchise non encadrés. Ces structures utilisent souvent des appareils non homologués médicalement, sans système de régulation de la température fiable, et confiés à des opérateurs sans formation médicale. Certaines plateformes numériques vendent même des séances sans consultation préalable, par simple réservation en ligne.

Cette banalisation de l’acte est préoccupante, car elle fait fi des critères cliniques essentiels à la sécurité. Un pli graisseux peut cacher une hernie. Une peau sensible peut mal réagir à un froid trop intense. Un trouble vasculaire non diagnostiqué peut conduire à une complication évitable. En l’absence de consultation médicale, ces risques ne sont ni évalués, ni expliqués, ni assumés.

Qu’en est-il du personnel paramédical ou esthétique qualifié ?

Il existe des cas où des infirmiers diplômés, ou des techniciens esthétiques certifiés, participent à la réalisation d’actes de cryolipolyse. Dans certains pays, cela est possible à condition expresse que l’acte soit prescrit, validé et encadré par un médecin ; réalisé avec un appareil médical certifié ; dans une structure relevant du domaine médical, et non commercial.

Ce modèle peut fonctionner dans une logique d’équipe, à condition que le rôle de chacun soit clairement défini et que la responsabilité médicale reste assumée par le médecin. En revanche, toute pratique autonome, sans évaluation clinique initiale, reste inacceptable du point de vue déontologique, et expose le patient à des risques inutiles.

Que dit le droit en Suisse et en Europe ?

En Suisse, la cryolipolyse fait l’objet d’une reconnaissance comme traitement médical à visée esthétique, soumis à la compétence des médecins formés. Le droit cantonal peut préciser les conditions d’exercice, notamment en ce qui concerne les assistants médicaux et les centres esthétiques. En cas de complication, la responsabilité juridique incombe au médecin prescripteur si l’acte a été délégué, ou au gérant si l’acte a été réalisé hors du champ médical, ce qui expose à des sanctions civiles et pénales.

Au niveau européen, la directive 93/42/CEE régit les dispositifs médicaux, tandis que la réglementation sur les actes à visée esthétique reste de compétence nationale. En France, par exemple, la cryolipolyse est encadrée par les recommandations du Conseil national de l’Ordre des médecins, qui en réserve la pratique aux médecins. L’Allemagne, l’Italie ou la Belgique suivent des logiques similaires.

 Cryolipolyse : les plateformes de réservation en ligne

L’essor des plateformes de réservation de soins esthétiques en ligne a contribué à la banalisation de la cryolipolyse. En quelques clics, il est possible de prendre rendez-vous dans un institut, parfois même à domicile, sans examen médical préalable. Ce fonctionnement, s’il séduit par sa facilité, présente un vide juridique préoccupant : aucune vérification n’est effectuée sur les qualifications du prestataire, le type de dispositif utilisé, ni le respect des obligations médicales fondamentales.

Ce système favorise une confusion entre bien-être, esthétique et acte médical, au détriment de la sécurité du patient. Dans le cas où une complication surviendrait — brûlure, hyperplasie, nécrose ou autre réaction cutanée — il n’existe bien souvent aucune structure de prise en charge, aucun dossier médical, aucun recours clair. Ce contexte illustre parfaitement pourquoi la cryolipolyse, malgré son apparente simplicité, ne peut être dissociée d’un encadrement médical rigoureux.

Ce que dit la littérature médicale sur la sécurité du geste

Les principales études cliniques publiées depuis 2010 insistent sur un point fondamental : la cryolipolyse est sûre et bien tolérée, uniquement lorsqu’elle est pratiquée dans un cadre médicalisé, avec des appareils validés et une sélection rigoureuse des patients. Une revue systématique par Ingargiola et al. (2015), parue dans Plastic and Reconstructive Surgery, a compilé les données de 19 études et a conclu à une satisfaction élevée des patients, avec un taux d’effets indésirables sérieux inférieur à 0,1 %. Toutefois, la majorité des études incluses ont été réalisées sous encadrement médical.

De même, une étude observationnelle menée par Coleman et al. (2009) sur plus de 500 patients a rapporté aucune complication majeure lorsque les critères d’inclusion étaient respectés. À l’inverse, plusieurs cas de brûlures profondes ou d’hyperplasie paradoxale ont été décrits dans des contextes non médicaux, notamment lorsque des appareils non certifiés étaient utilisés, comme le rapportent Bacci et al. dans Aesthetic Medicine (2018).

Ces données illustrent clairement que la sécurité du traitement dépend directement de la compétence du médecin et de la conformité du dispositif. Elles légitiment pleinement le positionnement de la cryolipolyse comme un acte à exécution exclusivement médicale.

Photo of doctor Valeria Romano in Geneva

Article written by Dr Romano Valeria

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