Accueil » Infographie » Quels sont les risques associés au bruxisme non traité ?
Le bruxisme, qu’il soit nocturne ou diurne, est souvent banalisé. Beaucoup de patients ignorent leur propre bruxisme, ou le considèrent comme un simple « tic » musculaire, sans gravité réelle. Pourtant, cette hyperactivité involontaire des muscles masticateurs, lorsqu’elle n’est pas identifiée et prise en charge de manière appropriée, peut entraîner des conséquences fonctionnelles, esthétiques et articulaires importantes, parfois irréversibles.
Le bruxisme n’est pas uniquement un trouble bénin de la sphère orale : non traité, il devient un facteur aggravant de pathologies oro-faciales chroniques, une cause de douleurs invalidantes, et un vecteur d’usure prématurée du système dento-maxillaire.
Ce texte propose une analyse des risques médicaux associés au bruxisme non traité, dans une perspective clinique et préventive.
L’un des premiers effets délétères du bruxisme non traité est l’usure mécanique des surfaces dentaires. Les frottements répétés, parfois violents, entre les dents supérieures et inférieures entraînent une abrasion progressive de l’émail, puis de la dentine.
Cette usure peut se manifester par :
À long terme, cette dégradation expose la dent à des complications pulpaires (inflammation, nécrose), nécessitant des restaurations complexes, voire des extractions.
Chez certains patients — notamment ceux souffrant d’ostéoporose, de traitement corticoïde prolongé ou de bruxisme très intense — les microtraumatismes répétés liés au serrement nocturne peuvent, à long terme, affaiblir les structures osseuses mandibulaires. Bien que rares, des cas de fissures ou de fractures alvéolaires spontanées ont été décrits dans la littérature, en particulier autour des racines dentaires ou dans des zones porteuses de prothèses. Ce risque osseux est d’autant plus préoccupant que le bruxisme reste silencieux et que les patients concernés ne signalent pas toujours de douleurs, ce qui retarde la détection de ces micro-lésions.
Le bruxisme exerce des forces occlusales anormalement élevées, qui mettent à rude épreuve tout travail prothétique ou restaurateur. Les couronnes, bridges, facettes céramiques ou composites sont particulièrement vulnérables aux contraintes répétées.
Chez les patients non traités, on observe fréquemment :
Le bruxisme devient alors un facteur de réintervention prothétique répétée, générant des surcoûts, des pertes de substance supplémentaires, et parfois une perte de confiance du patient dans les traitements dentaires.
Certains patients bruxomanes présentent, avec le temps, des symptômes auditifs fonctionnels : bourdonnements, pression auriculaire, sensation d’oreille bouchée, voire acouphènes. Ces manifestations sont souvent liées à une hyperactivation chronique du muscle ptérygoïdien interne, situé à proximité de la trompe d’Eustache, ou à des contraintes sur l’articulation temporo-mandibulaire contiguë à l’oreille interne. Non traité, ce type de bruxisme peut donc induire une altération de la qualité de la perception auditive, accentuant la gêne générale du patient, sans lésion otologique identifiable à l’examen.
L’activité excessive des muscles masticateurs — en particulier le masséter, le temporal et le ptérygoïdien interne — provoque une hypertonie douloureuse. En l’absence de traitement, cette contracture devient chronique et s’entretient elle-même, créant un cercle vicieux douloureux.
Les patients rapportent alors :
Dans ces cas, le bruxisme s’inscrit dans un syndrome myofascial chronique, qui peut considérablement altérer la qualité de vie et le confort quotidien.
Le bruxisme non traité est un facteur reconnu de dysfonction de l’ATM. Les pressions excessives exercées sur l’articulation mandibulaire, en particulier durant le sommeil, peuvent générer :
Plus grave encore, ces contraintes répétées peuvent entraîner une usure des surfaces articulaires, voire une dégradation du disque intra-articulaire, avec à terme un état arthrosique nécessitant une prise en charge spécialisée.
Chez de nombreux patients, le bruxisme nocturne est à l’origine de céphalées de tension, souvent mal diagnostiquées. Ces douleurs, diffuses, en casque, ou localisées aux tempes, peuvent être quotidiennes ou liées au réveil. Elles s’accompagnent parfois d’une photosensibilité, de troubles de la concentration ou d’un brouillard mental matinal.
Les douleurs peuvent également irradier vers le cou, les épaules, ou le haut du dos, renforçant l’impression d’un syndrome musculaire généralisé. Sans traitement du bruxisme sous-jacent, ces symptômes s’aggravent et deviennent une source de handicap fonctionnel, parfois confondus avec des migraines chroniques.
Le bruxisme nocturne, en particulier dans sa forme sévère, perturbe l’architecture du sommeil. Il s’accompagne de micro-éveils répétés, d’activations du système nerveux autonome, et d’une fragmentation du sommeil profond.
Chez les patients non traités, on observe souvent :
Ce retentissement indirect du bruxisme sur le sommeil contribue à un cercle délétère, puisque le manque de sommeil accentue le stress, lui-même facteur aggravant du bruxisme.
Lorsque le bruxisme s’installe durablement, il peut entraîner une hypertrophie des muscles masséters. Ce développement musculaire modifie progressivement le contour du tiers inférieur du visgae, rendant le visage plus anguleux, plus carré, voire asymétrique.
Chez certaines patientes, ce changement est mal vécu, perçu comme une masculinisation du visage. Sans traitement, cette transformation morphologique devient progressivement permanente, difficile à inverser même après arrêt du bruxisme.
Le bruxisme non traité a souvent un retentissement psychologique sous-estimé. La persistance des douleurs, la fatigue, l’impact esthétique ou la difficulté à comprendre la cause de ces symptômes peuvent générer :
Le patient a le sentiment que « quelque chose ne va pas » sans trouver de réponse claire. Cette errance diagnostique peut devenir une source de démotivation thérapeutique si le bruxisme n’est pas identifié comme cause principale des symptômes.
Les conséquences du bruxisme non traité ne se limitent pas aux douleurs et aux complications mécaniques. Le retentissement psycho-social devient important lorsque la fatigue, les céphalées chroniques, l’inconfort à l’élocution ou la gêne esthétique altèrent la concentration, la performance professionnelle ou les interactions sociales. Les patients deviennent plus sensibles au bruit, moins tolérants au stress, et parfois moins sûrs d’eux dans leur communication verbale, surtout lorsqu’une raideur mandibulaire ou un aspect crispé du visage s’installe. Ces éléments peuvent altérer la qualité de vie de manière insidieuse, en particulier dans les environnements professionnels exigeants.
Le bruxisme n’est pas une affection grave dans l’immédiat, au sens où il ne met pas directement en jeu le pronostic vital. Toutefois, en l’absence de prise en charge, il peut entraîner des complications fonctionnelles et structurelles notables, qui, elles, le rendent préoccupant. Usure prématurée des dents, douleurs chroniques, dysfonction de l’articulation temporo-mandibulaire, céphalées persistantes, altérations esthétiques de la mâchoire : ces effets cumulatifs transforment une simple hyperactivité musculaire en un trouble potentiellement invalidant. Sa gravité réside donc dans sa capacité à dégrader silencieusement et durablement la sphère oro-faciale, tout en s’accompagnant d’un retentissement psychologique significatif. Il s’agit donc d’une pathologie fonctionnelle sérieuse, qui mérite une reconnaissance clinique et une approche thérapeutique rigoureuse.
Article rédigé par le Dr Romano Valeria
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