EXISTE-T-IL DES FACTEURS DE RISQUE SPÉCIFIQUES POUR DÉVELOPPER DU BRUXISME ?

Traitement du bruxisme à Genève

Le bruxisme, défini comme une activité musculaire involontaire des muscles masticateurs, se manifeste par des serrements ou des grincements dentaires, de manière consciente ou inconsciente. Il peut survenir aussi bien durant la veille que pendant le sommeil. Longtemps réduit à une simple « mauvaise habitude », le bruxisme est désormais reconnu comme un trouble à part entière, multifactoriel, aux implications biomécaniques, neurologiques et psychologiques.
Mais pourquoi certaines personnes développent-elles du bruxisme alors que d’autres n’en souffrent jamais ? Existe-t-il des prédispositions objectives, des terrains favorisants, des contextes déclencheurs ? La réponse est affirmative. De nombreux facteurs de risque spécifiques, clairement identifiés par la littérature scientifique, augmentent la probabilité de développer du bruxisme — qu’il soit diurne ou nocturne.
Heureusement il existe un traitement pour le bruxisme : la toxine botulique (Botox).

Sommaire

Facteurs psychologiques, stress chronique et bruxisme

Parmi tous les facteurs prédisposants, le stress psychologique demeure le plus fréquemment identifié. Plusieurs études ont démontré une corrélation significative entre les niveaux élevés de stress perçu et la survenue de bruxisme, notamment dans sa forme nocturne. Cette activité musculaire involontaire constitue, pour certains patients, une forme somatisée de tension nerveuse.
Le stress agit comme un déclencheur neurovégétatif, perturbant le système nerveux autonome et induisant des micro-éveils pendant le sommeil. Ces épisodes activent brièvement les muscles masticateurs, déclenchant un serrement ou un grincement involontaire.
De plus, les personnes anxieuses, perfectionnistes, ou soumises à une pression professionnelle ou émotionnelle chronique sont plus enclines à développer des tensions musculaires faciales prolongées. Le bruxisme devient alors le reflet neuromusculaire d’un état d’alerte intérieur permanent, souvent non conscientisé.

Troubles du sommeil, micro-éveils et bruxisme

Le bruxisme du sommeil n’est pas considéré comme un trouble du sommeil à proprement parler, mais il est fréquemment associé à des perturbations du cycle veille-sommeil. Il est désormais établi que le bruxisme nocturne survient pendant les phases de micro-éveil, moments très brefs où le cerveau passe d’une phase de sommeil léger à un état d’alerte transitoire.
Ces micro-éveils, souvent imperceptibles pour le dormeur, sont plus fréquents chez les personnes souffrant d’apnée obstructive du sommeil, de ronflements intenses, de jambes sans repos ou d’hyperréactivité du système nerveux autonome.
Autrement dit, tout trouble altérant la qualité du sommeil ou fragmentant sa continuité constitue un facteur de risque indirect mais majeur de bruxisme, par la multiplication des occasions d’activation réflexe des muscles masticateurs.

Substances psychoactives et médicamenteuses et bruxisme

La consommation de stimulants du système nerveux central, en particulier la caféine, la nicotine et l’alcool, est souvent associée à un risque accru de bruxisme. Ces substances modifient la qualité du sommeil, augmentent l’excitabilité musculaire, et favorisent les micro-éveils.
Chez certains patients, notamment les gros consommateurs de café ou de boissons énergisantes, le bruxisme peut être directement favorisé par l’hyperactivation induite. De même, la nicotine, en plus de ses effets vasoconstricteurs, agit sur les récepteurs cérébraux et augmente le tonus musculaire, en particulier durant la phase de sommeil paradoxal.
Par ailleurs, plusieurs classes de médicaments sont connues pour induire ou aggraver le bruxisme, à commencer par les antidépresseurs de type ISRS (inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine). Des cas de bruxisme pharmacologique ont également été rapportés avec certains neuroleptiques, amphétamines, ou médicaments dopaminergiques.

Facteurs neurologiques et génétiques et bruxisme

Certains patients développent un bruxisme dans un contexte de pathologie neurologique sous-jacente. C’est notamment le cas chez les personnes atteintes de la maladie de Parkinson, de paralysie cérébrale, de traumatisme crânien ou de dystonies musculaires.
Chez ces personnes, le bruxisme ne relève pas d’un comportement adaptatif ou d’un stress latent, mais plutôt d’un dysfonctionnement du contrôle moteur extrapyramidal, induisant une activité musculaire involontaire.
Il existe par ailleurs des formes familiales de bruxisme, suggérant une composante génétique. Certaines études ont identifié une possible association avec des polymorphismes dans les gènes impliqués dans la régulation de la dopamine ou de la sérotonine. Ces neurotransmetteurs jouent un rôle clé dans le contrôle moteur et la gestion émotionnelle, deux axes centraux dans la physiopathologie du bruxisme.

Rôle controversé de l’occlusion dentaire

Pendant longtemps, les déséquilibres occlusaux ont été considérés comme une cause directe du bruxisme. Cette théorie, largement répandue dans les années 1980, suggérait qu’un mauvais alignement des dents provoquait des ajustements musculaires compensatoires, à l’origine du serrement ou du grincement nocturne.
Aujourd’hui, cette hypothèse est largement contestée par les données scientifiques actuelles. Les études cliniques montrent qu’un très grand nombre de patients présentant un bruxisme ont une occlusion fonctionnelle parfaitement équilibrée, et que les traitements orthodontiques ne modifient pas nécessairement l’intensité ou la fréquence des épisodes.
En revanche, chez certains patients souffrant déjà de bruxisme, la présence d’une malocclusion non compensée peut aggraver les tensions musculaires ou accentuer les douleurs. Elle est donc considérée davantage comme un facteur aggravant que comme un facteur déclenchant.

Profil psychologique et personnalité à risque de bruxisme

Certaines caractéristiques psychologiques sont plus fréquemment observées chez les patients bruxomanes. Il s’agit notamment de profils présentant :

  • Une hyperexigence envers soi-même.
  • Un besoin de contrôle élevé.
  • Une hypervigilance émotionnelle.
  • Une intolérance au relâchement ou à la passivité.

Ces traits, souvent discrets et bien intégrés dans la personnalité, peuvent exposer à des tensions musculaires chroniques, même en l’absence de stress aigu. Chez ces patients, le bruxisme devient une réponse automatique au besoin de vigilance ou de maîtrise, particulièrement en fin de journée ou durant les phases de transition vers le sommeil.

Âge, sexe et fréquence de bruxisme

Le bruxisme peut survenir à tout âge, mais certaines tranches de la vie semblent plus exposées. Chez l’enfant, il est souvent transitoire, lié à l’éruption dentaire ou à des troubles ORL bénins. Il tend à disparaître spontanément à l’adolescence.
Chez l’adulte jeune, notamment entre 25 et 45 ans, on observe une prévalence plus élevée, probablement en lien avec le stress professionnel, les responsabilités croissantes, et les rythmes de vie intenses.
Concernant le sexe, les femmes sont légèrement plus représentées dans les études cliniques, ce qui pourrait s’expliquer par une plus grande propension à consulter, mais aussi par une plus forte exposition aux troubles anxieux et au perfectionnisme, deux facteurs favorisants.

Bruxisme et troubles temporo-mandibulaires

Les troubles de l’articulation temporo-mandibulaire (ATM), tels que les déplacements discaux, les claquements articulaires ou les blocages de l’ouverture buccale, peuvent agir comme facteurs aggravants ou déclenchants du bruxisme. La douleur articulaire entraîne souvent une modification du schéma d’occlusion mandibulaire, avec une sollicitation accrue des muscles masticateurs.
Le patient, souvent sans s’en rendre compte, adopte des comportements compensatoires — serrement discret, maintien des mâchoires contractées — qui renforcent l’activité bruxomane. Dans ce contexte, le bruxisme devient à la fois conséquence et amplificateur de la dysfonction initiale, nécessitant une prise en charge conjointe des deux problématiques.

Comorbidités psychiatriques : anxiété, TOC, troubles de l’humeur et bruxisme

Certaines pathologies psychiatriques sont clairement associées à une prévalence accrue de bruxisme, indépendamment du stress quotidien. C’est le cas notamment chez les patients atteints de trouble obsessionnel-compulsif (TOC), d’anxiété généralisée, ou de dépression modérée à sévère.
Chez ces patients, le bruxisme devient une composante comportementale de leur pathologie, parfois comparable à un rituel ou à un acte apaisant. L’approche thérapeutique doit alors impérativement intégrer un suivi psychiatrique ou psychothérapeutique, sans quoi la gestion symptomatique (gouttières, Botox, antalgiques) restera incomplète.

L’effet des contraintes posturales et des tensions cervicales sur le bruxisme

Certaines postures prolongées, notamment en contexte professionnel (travail sur écran, maintien du téléphone entre l’épaule et l’oreille, etc.), peuvent créer des déséquilibres cervico-mandibulaires. Ces tensions posturales influencent le tonus des muscles masticateurs via des chaînes myofasciales communes.
Ainsi, un patient souffrant de raideur cervicale ou de syndrome postural chronique peut développer une hypertonie des masséters et temporaux, aboutissant à un bruxisme fonctionnel. Cette cause mécanique est encore sous-estimée, bien qu’elle justifie pleinement une évaluation posturale complète, voire une rééducation adaptée.

Facteurs de risque professionnels et environnementaux et bruxisme

Certaines professions sont plus exposées au bruxisme en raison de leur charge émotionnelle, de la pression cognitive ou de l’environnement sonore. On retrouve notamment :

  • Les professions médicales ou paramédicales.
  • Les cadres en environnement multitâche.
  • Les métiers liés à la finance, à la négociation ou à la gestion de crise.
  • Les artistes soumis à une exigence personnelle élevée.

Dans ces situations, le bruxisme n’est pas un simple effet secondaire du stress, mais souvent un comportement de gestion interne de la pression, installé de manière chronique. Une approche intégrant la gestion du stress, la pleine conscience ou la relaxation neuromusculaire peut réduire durablement les symptômes.

Hormones et bruxisme

Des recherches récentes suggèrent un lien possible entre variations hormonales et prédisposition au bruxisme. Chez certaines femmes, les épisodes bruxomanes semblent majorés pendant la phase lutéale du cycle menstruel, période marquée par des fluctuations du cortisol, de la progestérone et de l’estradiol.
Des cas d’apparition ou d’aggravation du bruxisme ont été signalés en période de périménopause, dans un contexte de fragilité émotionnelle accrue. Ces observations demandent à être confirmées, mais ouvrent une piste intéressante sur l’implication endocrinienne dans la régulation du tonus musculaire mandibulaire.

Prédisposition familiale et bruxisme

De nombreuses études cliniques font état d’une prévalence plus élevée de bruxisme chez les personnes ayant un parent au premier degré concerné. Ce constat renforce l’hypothèse d’une prédisposition héréditaire, non seulement biologique (sensibilité neuromusculaire, profil neurochimique), mais aussi comportementale.
Il est possible que certains traits — perfectionnisme, réactivité émotionnelle, besoin de contrôle — soient transmis à la fois génétiquement et par mimétisme parental, créant un terrain favorable au développement du bruxisme, notamment dès l’adolescence.

Photo docteur Valeria Romano à Genève

Article rédigé par le Dr Romano Valeria

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